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Heureux êtes-vous !

Dès le premier jour du mois de novembre, alors que la saison qui s’avance n’incite pas forcément aux grandes joies printanières, le cri d’exultation de Jésus retentit au coeur de nos assemblées de Toussaint : « Heureux ! » Oui, frères et soeurs, la fête de tous les saints est la fête de « l’ensoleillement divin » de l’Eglise. Et cela nous fait pénétrer un peu plus dans « l’ensoleillement divin » de ceux que nous portons en nos coeurs et notre prière.
Savez-vous que dans la langue de Jésus, le même mot signifie être heureux et être en marche ? Marcher c’est quelquefois un peu pénible, mais que de joies dans ce que l’on
découvre et dans le but lui-même !
Il y a un an, notre évêque a lancé une « démarche synodale », ce qui veut dire, une marche commune, une marche où l’Esprit-Saint est le moteur. C’est Mission en Actes. Savez-vous
qu’il n’est pas trop tard pour prendre part à  cette « marche ensemble » où la parole de Dieu nous révèle et nous réveille ?
Vous le verrez dans la suite de cet article:
samedi 22 novembre, de 14h30 à  19h30 un rassemblement est organisé avec célébration de la messe, au lycée Bossuet (12 rue de la Visitation à  Meaux). Il se nomme:

Nous y goûterons ensemble la joie des béatitudes. Alors, venez et goûtez !
p. Thierry LEROY

N’hésitez pas à diffuser largement cet information autour de vous et même à imprimer massivement les flyers ci-joints.

En cette fête de la Toussaint, nous vous proposons ici l’homélie du frère Emmanuel Dollé, dominicain au couvent de Lille:
Fête de TOUS les saints,
TOUS, un peu comme si on avait peur d’en oublier, ces saints que l’Eglise n’a pas inscrits dans son calendrier.
Le passage de l’Apocalypse de Jean en donne une idée.

A tout seigneur, tout honneur, d’abord ceux qui sont marqués du sceau.
L’Eglise déploie des trésors de subtilité pour les faire entrer dans sa classification officielle : apôtres, martyrs, pasteurs, docteurs de l’Eglise, vierges… Chacun a droit à des couleurs liturgiques des hymnes et des prières particulières selon sa catégorie ; certains cumulent : chez les femmes, vierge ET martyr était assez bien porté.
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Puis poursuit Jean, il y a une foule immense que nul ne pouvait dénombrer.
Tous les « ni-ni », ni vierge ni martyr, ni pasteur ni docteur de l’Eglise,
Des tordus, des boiteux, des aveugles, des mal foutus, des bellâtres et aussi des «top models»,
Des petites vertus, des Marie-Madeleine, des saintes-nitouches et des vieilles filles coincées,
D’honnêtes gens, des brigands et des larrons (pas forcément de bons),
Des bons pères de famille et des infidèles,
Des croyants, des mécréants, des mal croyants, des chercheurs de Dieu sans trouver, d’autres à la foi du charbonnier et des intelligences théologiques hors du commun,
Des prêtres intégristes, des curés de gauche, des prêtres ouvriers et des enfants de choeur en dentelle,
Des dominicains, jeunes, pleins d’idéal, prêts à évangéliser le monde et à réformer l’ordre, d’autres d’âge mûr faisant ce qu’ils peuvent et quelques uns beaucoup plus vieux, expérimentés et sans désillusion, prient silencieusement, trainant la fatigue d’un corps usé d’années et la sagesse d’apostolats sur les chemins du monde,
Des bons nationaux depuis des générations et des clandestins sans papiers,
Des hétéros, des homos, des amoureux éternels et des solitaires toujours abandonnés,
Des polyglottes, des prédicateurs à la bouche d’or, des paroles libres, des bègues, des muets, des langues de bois et aussi des bouches bées,
Des besogneux et des ouvriers de la onzième heure,
Des mains propres et blanches, d’autres qui lavent l’argent sale et d’autres encore trop de fois rincées à l’eau des Ponce Pilate.
Des Marthe et des Marie.

Il y a le long cortège des « pas trop fréquentables » auxquels s’adressent les Béatitudes,
Il y a des enfants moribonds des zones sahéliennes au corps tellement affamé, au visage tellement desséché qu’ils n’ont ni larmes ni sourire,
Il y a ceux dont les crématoires n’ont laissé que des cendres anonymes, des déportés du goulag, des travailleurs du World Trade Center, des martyrs des khmers rouges,
Ily a des émigrés africains noyés en Méditerranée, victimes des vagues et de l’âpreté des passeurs, des grimpeurs de mur ou franchisseurs de barbelés à la frontière mexicaine ou autour de l’enclave espagnole au Maroc, des juifs et des palestiniens vivant sur le même territoire, des kurdes et des chrétiens fuyant devant l’état islamique, des adolescentes kidnappées au Nigéria, des enfants soldats au Mali,
Ily a tous ces mineurs englués dans des réseaux pédophiles,
Ily a des malades HIV, des victimes d’Ebola, des toxico, des alcoolos et des déprimés,
Ily a ceux qui guérissent et ceux en soins palliatifs,
Ily a des malades d’Alzheimer qui ne souviennent même plus de Dieu

La foule est immense et c’est la foule de tous les saints,
Ceux que l’Eglise n’a pas sanctifiés, n’a pas reconnus ou a ignorés quand elle ne les a pas, sans s’en rendre compte, envoyés dans la catégorie de martyrs. Je pense à Galilée qui avait le tort d’avoir trop tôt raison et dont l’intelligence déterminée a donné de nouvelles dimensions à la connaissance de la Création. Je pense aux Chenu, aux Congar et bien d’autres ayant la qualité d’un coeur ouvert, libre et sans oeillères et que certains voudraient faire taire.
Ceux qui sont marqués par le sceau du baptême et d’autres en dehors de l’Eglise point de salut,
Des bons et beaucoup de gens comme vous, et j’espère comme moi, pas franchement mauvais mais encore bien loin d’être bons.

Peut-être vous sentez vous proches de l’un ou l’autre des Saints « officiels » reconnus comme tels par l’Eglise, statufiés par la piété sulpicienne ; mais ceux-là sont morts.
Peut-être dans la disparité fantaisiste de mon énumération, avez-vous trouvé une petite place. Dans cette foule immense il y a encore beaucoup d’innommés, beaucoup de noms tus, des gens de toute couleur, race, peuple et nation, comme dit l’Apocalypse. Et ceux-là sont vivants, ils ont vocation à être saints, ils sont, avec vous, appelés à la sainteté.
Christian Bobin, dans L’éloignement du monde, écrit « La sainteté a si peu à voir avec la perfection qu’elle en est le contraire absolu. La perfection est la petite soeur gâtée de la mort. La sainteté a le goût puissant de cette vie comme elle va – une capacité enfantine à se réjouir de ce qui est, sans rien demander d’autre. »
«Thérèse d’Avila lorsqu’elle faisait à manger à ses soeurs veillait à la bonne cuisson d’un plat et concevait dans le même temps des pensées éblouissantes de Dieu. Elle exerçait alors cet art de vivre qui est le plus grand art : jouir de l’éternel en prenant soin de l’éphémère.»

La sainteté ce n’est pas nous qui l’avons, ce n’est pas nous qui la méritons, c’est Dieu qui l’offre avec une miséricorde sans mesure. Le Christ nous y mène par sa croix et sa résurrection. Par son humanité assumée jusque dans la mort, il nous prend avec lui ; par sa sortie glorieuse du tombeau, il nous ouvre les portes de la Vie.
La sainteté est cet accès à la Vie, même quand nos vies traversent la souffrance et la mort, même si la vie est marquée par les épreuves décrites dans le discours sur la montagne appelé aussi « Béatitudes ». Le but n’est pas de devenir pauvre, d’être une victime affamée de justice, de pleurer des larmes inconsolables. Le but n’est pas le malheur, le but est d’être appelé « Bienheureux ». Et le Christ tient à montrer là sa tendresse infinie pour ceux que nous rejetons ou excluons et il invite à changer de comportement et de regard sur autrui et sur nous-mêmes.
Le but est de se laisser laver par le sang de l’Agneau.
Le butest de se réjouir et d’être dans l’allégresse, car la récompense offerte est grande dans les cieux.

Heureux les pécheurs qui se laissent purifier par le Christ.
Quelle que soit leur catégorie, quels que soient leur classification et leur qualificatif, heureux les vivants de ce monde, ils peuvent obtenir la Vie avec le Christ.
Heureux sont-ils d’être invités à la sainteté qui est le bonheur de contempler Dieu.

Que la grâce de la Toussaint et l’intercession de tous les saints nous mettent sur les chemins de la sainteté.
Que la fête de la Toussaint soit un peu la fête de chacun de nous.

Emmanuel Dollé o.p. Lille Toussaint 2014

Prière universelle

– « Heureux les pauvres de coeur, le Royaume de Dieu est à eux »
Prions pour tous ceux qui souffrent de pauvreté, matérielle, affective ou physique. Qu’au milieu des souffrances il y ait encore une place pour découvrir que le Seigneur les aime et les appelle : Bienheureux.
Prions aussi pour tous ceux dont la richesse ferme le coeur. Que l’intercession de tous les Saints les aide à découvrir le Christ dans le service de leurs frères.

– « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés. Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu »
Prions pour tous ceux qui sont écrasés par l’injustice, économique ou politique, pour tous ceux qui n’ont plus de voix et ceux dont le cri n’est jamais entendu. Prions pour ceux et celles qui ont l’audace de dénoncer l’injustice et militent pour une plus authentique justice.
Prions aussi pour ceux qui ont le pouvoir de changer la société et pour tous ceux qui considèrent comme un fait acquis les disparités qui fracturent notre monde. Que la lutte contre la faim et l’injustice ne soit endormie ni dans leurs discours ni dans leurs actes.

– « Heureux ceux qu’on insulte à cause du Christ, la récompense est grande dans les cieux »
Prions pour tous ceux qui doivent cacher leur foi, ceux qu’on persécute ou assassine à cause de leurs convictions religieuses.
Prions pour ceux qui sont empêchés d’avoir une parole libre sur leur quête de Dieu.
Prions aussi pour tous ceux qui sont enfermés dans le dogme, dans le militantisme borné, et dans la certitude qu’eux seuls sont dépositaires de la vérité sur Dieu. Que notre prière de ce jour les aide à découvrir le respect de l’autre et les ouvre à tolérer des appels différents du Christ.

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