Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !
Mais sa trace est identifiable. Et suivant des paramètres comparables, nous pouvons participer à la vie nouvelle du Christ, alors même que nous restons dans le monde. Souvenons-nous du moment et de l’endroit où la liturgie du vendredi saint nous a déposés : une veille de sabbat, auprès d’un tombeau, au commencement de la P que. Rien de tout cela n’est anodin. Tentons de le percevoir en trois étapes.
Le sabbat, signe d’une espérance collective
Alors même que Jésus est déposé dans la mort, que tout semble fini aux disciples, apparaissent quelques lueurs d’une fragile espérance, plus ancienne, rituellement affirmée par les premières lumières du sabbat des juifs. Le paradoxe est que cette espérance-là perdure collectivement du moins y compris chez ceux qui n’ont pas identifié ou qui n’ont pas accueilli le Christ, eux qui continuent comme avant, qui maintiennent le rythme tranquille de leurs pratiques et de leurs fêtes religieuses. L’espérance juive se maintient avec une obstination qui n’est pas sans ambiguïté, mais qui compte car les disciples désemparés suivent aussi ce rythme-là, posent les gestes de l’espérance alors
même qu’individuellement, ils n’ont plus d’espérance. Dans le vide qui succède à la mort de Jésus, quelles que soient les dispositions subjectives de chacun des disciples, perdure le signe d’une communauté
d’espérance, fondée sur la foi en la fidélité de Dieu.
Devant la déroute et le désespoir des disciples, le signal d’une espérance radicale et collective n’est pas sans importance : il y a encore quelque chose à attendre. Tel est bien le signe du sabbat. De fait, le repos au jardin évoque le septième jour de la création, lorsque tout fut achevé… comme Jésus le déclara lui-même sur la croix. Jésus, le Nouvel Adam, est mort ; il est retourné à la terre primitive et tout demeure en attente, prêt pour une nouvelle création. Nous avons besoin, pour vivre Pâques, de nous appuyer sur une communauté d’espérance.
Un tombeau à ne pas éviter
Il se passe beaucoup de choses autour du tombeau. On y va, on en vient, on y retourne, on y entre, on y rencontre des messagers, etc. Il est conseillé de ne pas s’arrêter à distance ; il vaut mieux entrer dedans ; cela dispose à la foi de regarder en face le vide du tombeau et le signe fragile des linges restés là. Lors de sa première venue, Marie a vu la pierre roulée, n’est pas entré et a tout de suite glissé dans l’imaginaire, plus probable, d’un enlèvement. Tandis que Pierre puis l’autre disciple y sont entrés. De même, Marie s’y penche lors de sa seconde venue.
Affrontés au signe de l’absence, tout devient possible, tout demeure ouvert. Aucune pierre n’est désormais impossible à rouler. Aucun enfermement n’est de soi définitif. Le disciple bien-aimé vit et il crut sans COD, sans délimitation énonçable. Il crut entièrement… au passage de Dieu, à la Pâque de Jésus. L’étape du tombeau, c’est la confrontation et la traversée des choses d’en bas pour vivre celles d’en haut.
La Pâque : Dieu est le Seigneur de la mort et de la vie
La résurrection de Jésus est le Nouvel Exode, l’ouverture d’une voie de libération définitive. Dieu lui-même se révèle au plus haut point dans la résurrection de Jésus. Il n’y a pas d’événement où l’identité propre de Dieu soit plus manifeste. L’Ancien Testament désignait Dieu comme « Celui qui a fait monter Israël d’Egypte ». Le Nouveau Testament prend acte d’une oeuvre plus éclatante encore et nomme désormais Dieu : « Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts ». La résurrection déploie la même puissance que la Création à partir de rien. La puissance salvifique de Dieu embrasse la servitude et la liberté, la mort et la vie,
comme déjà sa puissance créatrice embrasse l’être et le néant.
Dès lors, notre espérance chrétienne est simple et totale : rien n’est impossible à Dieu. Lorsque toutes les ressources humaines sont épuisées, nous pouvons continuer d’espérer avec une confiance totale.
Dans l’immédiat…
Ne reprenons pas les chemins de la déception, ceux qui nous éloignent de Jérusalem, comme les disciples d’Emmaüs. Ne retournons pas trop vite à ce que nous savons déjà faire par habitude, comme Pierre retourne à la pêche… même si le Christ Vivant sait nous rejoindre sur ces voies de traverses. Demeurons autant que possible dans la proximité de l’événement jusqu’à la Pentecôte, pour être rénovés et baptisés avant d’être envoyés.
fr. Emmanuel Durand, dominicain à Lille