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Témoignage sur notre chemin de Compostelle

Dès que les beaux jours arrivent et que l’air des vacances souffle comme une légère brise, le premier réflexe que nous avons, c’est de rompre avec la monotonie quotidienne. Quoi de plus naturel que de prendre un b ton et de partir, loin, loin… Nous vous proposons aujourd’hui le témoignage tout chaud d’un pèlerin de St Jacques, Dominique.
Mon père s’appelait Jacques et c’est aussi mon quatrième prénom. Du scoutisme, j’ai gardé entre autres choses le goût de la marche. Ces deux faits ont sans doute ancré en moi l’idée de faire le chemin de Compostelle. De plus, un souci professionnel en1992 m’a amené à faire le voeu d’aller à Santiago quand j’aurais terminé ma vie professionnelle.

Deuxième quinzaine d’avril 2004, avec un couple ami, Claude et Josiane, ex-jacquets, Annie et moi avons fait le chemin du Puy à Saint-Gilles du Gard. Puis, l’année suivante, à pareille époque, une partie du chemin des italiens d’Arles à la Salvetat-sur-Agout. Fin juillet début août 2006, nous commencions le chemin du Puy-en-Velay jusqu’à Conques avec les mêmes et un autre ami, Jacques. Fin avril-début mai 2007, c’est avec Paolo un ami italien rencontré sur le chemin d’Arles, ex jacquet lui aussi, que nous avons rejoint Saint-Jean-Pied-de-Port depuis Conques. Dans la foulée, Annie et moi avons fait la fameuse et redoutée étape de Saint-Jean à Roncevaux.


Etape 1, après 8,3km, Puerto de Espinal, stèle invitant à saluer N-D de Roncevaux par un Salve Regina

Retraité depuis le début de l’année 2009, le22 avril, nous rejoignons Roncevaux pour y passer la nuit et partir à la fra îche, le lendemain, après un réveil à 6h pour être sur le chemin au plus tôt une demi-heure voire trois quart d’heure plus tard au mieux. Le jour est levé, la nature à peine éveillée. C’est un bonheur de partir dans le calme du matin après une rapide toilette et un petit déjeuner frugal, un au revoir « bon chemin», « bonne journée » aux compagnons du g îte autrement dit albergue en Espagne. Les hameaux sont à peine éveillés, les oiseaux sont nos compagnons, le chant du coq aussi, le beuglement des vaches à l’étable. Les cloches sonnent sept heures et nous en profitons pour réciter l’Angelus.

Les paroles de cantique nous reviennent en mémoire d’un jour à l’autre. Ce seront par exemple : « Nous te rendons grâce pour tant de merveilles », « Que tes oeuvres sont belles », « Que soit béni le nom de Dieu de siècle en siècle » et quand la fatigue est là, que le chemin est interminable en fin d’étape, d’autres chants de marche comme: « La route est longue, longue, longue… » ou en début de marche : «Le matin, tout resplendit tout chante », « Chante à la joie, chante à la peine » etc.

Nous marchons environ une heure et demie et nous faisons une pause dans un bar pour prendre un café avec du lait. Puis, c’est le moment que nous avons choisi pour dire le chapelet. Les intentions ne manquent pas : Nos enfants, nos petits-enfants notamment l’a înée qui va faire bientôt sa première communion, les couples, les jeunes qui se préparent au mariage, l’équipe Notre-Dame (END), les responsables des END, les malades et les soignants, les responsables de l’hospitalité, les prêtres, les responsables de l’Eglise et les vocations sacerdotales et religieuses, la paix et les responsables financiers, économiques et politiques, les gens qui nous ont demandés de prier pour eux, les catéchumènes, la vie harmonieuse entre prêtres et laïcs, etc. Ensuite, je pars devant pour marcher à mon rythme car ainsi la marche est moins fatigante et quand vient le mal aux pieds ou la fatigue, je chante le « Je vous salue Marie » de Chartres qui me ressource. Je parcours ainsi des kilomètres en priant aux multiples intentions qui me viennent à l’esprit. Quand une pensée me hante, j’invoque l’Esprit-Saint par un chant et elle finit par s’enfuir.


Etape3, après Cizur Menor, Sierra del Perdon (780m)

A mi-étape vers 10h30, nous faisons à nouveau une pause dans un bar pour boire un jus d’orange et manger si possible une tortilla.

Quand nous passons près d’un ermitage, d’une église, nous faisons une halte visite-prière, enthousiasmés par leur beauté. Les basiliques ou cathédrales sont généralement dans les villes étape et nous prenons alors le temps de les visiter l’après-midi, après l’installation au g îte.

Nous gardons les meilleurs souvenirs des g îtes associatifs, paroissiaux, monastiques où nous trouvions une atmosphère particulière : un accueil plus chaleureux et parfois une invitation à la prière. Quand nos hôtes ne nous proposaient pas le repas, nous préparions le plus souvent notre popote et la partagions à l’occasion avec d’autres pèlerins.

La vie sur le chemin est simple, nous y vivons la fraternité des pèlerins prêts à se rendre service.

Nous y rencontrons aussi des leçons de vie en réfléchissant aux attitudes observées ou vécues. Ainsi, un groupe de trois français(es) a investi la salle à manger à 6h10, suivi par les autres pèlerins matinaux alors que David, le jeune hospitalier du g îte paroissial, avait programmé la première vague de petits déjeuners à 6h30. Je me suis aperçu qu’entre temps il priait assis en tailleur dans sa chambre ; de même, la veille, il m’avait montré comment éteindre parce qu’il partait prier. Il avait préparé la table en plaçant sur la serviette un petit coeur découpé dans du papier sur lequel il avait inscrit le prénom de chaque pèlerin. A 6h30, David sort de sa chambre tout sourire mais avec une réflexion sur les people français qui parlent bruyamment !

Nous faisons aussi l’expérience de la fragilité humaine, attentif à l’évolution de la moindre douleur. Sur les sis premiers jours, Annie a eu un mal de genou calmé par le port d’une genouillère. Elle a soigné des ampoules et un hématome au petit orteil. Nous avons dû adapter notre progression en conséquence. Nous faisions en moyenne des étapes de 25km. La plus courte fut de 10km, les plus longues de 32km.

Dans l’ensemble, nous avons bénéficié d’un temps favorable au marcheur, alternance de temps couvert et de temps ensoleillé, parfois du crachin le matin ; nous rendons grâce car nous sommes passés à côté de nuées d’orage et avons évité une après-midi de pluie.

Nous faisons des rencontres d’un moment, d’un soir ou nous avons la joie de nous revoir sur le chemin ou à l’arrivée à Compostelle. Nous voyons des pèlerins qui en sont à leur cinquième ou sixième chemin de Compostelle, ou encore des rencontres de prière, de textes de Mère Térésa, d’une brochure intitulé : « Faire le chemin » à partir de l’expérience de Saint José Maria ESCRIVA, comme celle découverte dans le coin repos de l’albergue de Santa Irene, pour nous, la dernière avant Santiago. J’en extrais ces quelques phrases : « Un chemin de foi est un chemin de sacrifices. Dans tout chemin, il y a des roses et des épines, des moments de joie et des moments durs. La joie est partie intégrante de ton chemin … Si nous permettons à Jésus qu’il nous accompagne, nous éprouverons une joie débordante dans notre coeur. »

Nous sommes arrivés le 23 mai à Saint Jacques de Compostelle heureux d’avoir pu terminer notre pèlerinage pour vivre la messe à 12h à la cathédrale avec les soeurs de Cluny et le diocèse de Viana de Castello dans lequel nous étions allés vivre les fêtes pascales et paroissiales avec trois couples de notre Equipe Notre-Dame avant de partir. J’y ai vu une jeune animatrice portugaise diriger un choeur d’enfants avec le sourire. En rentrant, ma première animation liturgique s’est faite aussi en souriant.

Nous avions choisi de loger au Seminario Minor et nous y avons fait la rencontre émouvante d’un couple québécois au cours du déjeuner improvisé. L’après-midi, nous avons été chercher notre « Compostela » délivrée par l’Oficina del peregrino où nous avons trouvé un dépliant pour nous aider à visiter la cathédrale avec le passage par le Portique de la gloire, l’accolade à saint Jacques, la vénération des reliques du saint et des ses disciples Athanase et Théodore, la chapelle de l’adoration, le sacrement de Réconciliation.

Nous sommes devenus des compagnons de saint Jacques, chargés de témoigner, tout en reprenant notre chemin de vie et, comme un pélerin allemand, en priant saint Jacques : « Montre-moi le Seigneur ! »

Si Dieu nous en donne la santé et la force, nous retenterons sans doute l’expérience.

*La Compostela est un document d’église rédigé en latin authentifiant votre pèlerinage.

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